Paris, Septembre 2015.

Tout commence sur cette terrasse de café. Vincent revient de chez ses parents en Normandie avec un camembert de ferme et un apéritif de pomme, découvert chez un producteur. Aymeric sort son couteau pour entamer le fromage coulant et nous goûtons le breuvage au délicieux goût de pomme confite.

C’est un coup de foudre. Nous délaissons la carte, banale, de la brasserie et payons notre droit de bouchon pour continuer à déguster l’apéritif, rustique et gourmand. Deux heures plus tard, le soleil descend lentement et nous décidons de profiter d’une brise tiède et d’une légère ébriété pour arpenter les rues de Paris. Nous discutons avec animation de notre découverte et nous demandons : pourquoi avons-nous cessé de boire des apéritifs à l’apéritif ?

La plupart des marques d’apéritifs sont industrielles, démodées, standardisées, aux goûts fades ou grossiers et sans transparence quant à leur fabrication.
Nous passons en revue les vermouths, gentianes, amers, vins cuits, absinthes, mistelles et autres kinas, tous ces apéritifs si populaires jusque dans années 50. A l’époque, ces apéritifs artisanaux et locaux avaient séduit la France entière grâce à leurs goûts complexes malgré un taux d’alcool faible. L’apéritif, moment d’échange, est devenu alors un pilier de la culture française, et les apéritifs un pilier du « boire français » : le goût et le partage.

Nous réalisons notre premier assemblage dans la cuisine de Thibault. Sans le savoir, nous venions de créer Double Jus, apéritif supérieur de pomme, qui allait ouvrir la voie à la renaissance des apéritifs artisanaux français. Un apéritif de terroir produit en Normandie avec des pommes AOC; strictement naturel sans ajout de sucre, sans colorant sans arôme artificiel.

Aymeric était directeur artistique dans la presse, Thibault designer et Vincent travaillait dans la musique. Nous étions non seulement étrangers au marché des spiritueux, mais aussi de médiocres entrepreneurs. Probablement les pires « marqueteurs ». Nous ne répondions à aucun besoin. Nous avons passé deux ans à visiter plus de 100 producteurs et à goûter leurs fûts pour trouver les meilleurs ingrédients de notre assemblage, au lieu d’investir dans les ventes et la distribution. Nous avons dépensé toutes nos économies dans la fabrication de notre bouteille, simplement parce que cela avait du sens pour nous.

Mais contre toute attente, nous commençons à vendre. Le Double Jus séduit les bartenders et chefs de Paris et bientôt Londres, capitale mondiale du cocktail, suit. Nous abandonnons nos métiers pour nous consacrer entièrement au projet.

Nous croyons à l’artisanat. L’artisanat redistribue la valeur aux personnes et aux terroirs qui produisent. Il permet aux producteurs de transmettre leur savoir-faire, patrimoine humain et culturel, aux prochaines générations et de les maintenir ainsi en vie. Et, en ce qui concerne l’agriculture, l’artisanat produit de meilleurs aliments avec un impact environnemental plus faible.

Merci de nous aider à défendre l’apéritif artisanal à la Française. Et… à la vôtre !

Thibault, Aymeric & Vincent